lundi 25 février 2013

- Partie I : Chapitre IV -

 Encore une fois... Le contenu peut éventuellement "perturber" certaines lectrices...  (dans tous les sens du terme ^.^ )
 Bonne lecture ! 

- Partie I : Chapitre IV -

    Mon jeune compagnon se remettait doucement de ses blessures. Bien sûr, je ne l'avais pas vidé de son sang. S'il ne lui était resté qu'une goutte, j'aurais dû le transformer en vampire pour qu'il survive. L'idée que ce chiot errant passe l’éternité avec Nous m'était insupportable. Comme il me l'avait promis, Dimitri utilisait l'argent de son héritage. Nous vivions dans un petit appartement californien au troisième étage d'un immeuble bien situé. Il était insalubre, mais ce n'était que temporaire. J'étais en train de faire construire un cercueil en bois de cèdre. Il serait garni de coussins en soie moelleux. Il faut bien dormir pour être d'attaque ! En attendant le luxueux cercueil, je dormais entre quatre planches de fortunes. Mon compagnon avait pris soin de bien obscurcir la pièce. Elle était petite. Un lit double au matelas épais trônait au centre de la pièce. Il faisait face à l'unique fenêtre de la pièce. Moi, j'avais élu résidence dans la salle de bain qui n'avait aucune source de lumière.

  Dimitri, alité, me laissa tranquille mes premières nuits. Malheureusement, cette sérénité ne fut que de courte durée. Dès qu'il fut remis sur pieds, le jeunot se mit à me coller de manière presque indécente. La première nuit, en me réveillant, je vis qu'il m'attendait à côté de mon cercueil improvisé. Il avait la mine renfrognée et les bras croisés. Il me regardait durement. Je décelai, néanmoins, qu'il mettait tout en œuvre pour paraître convainquant. Je haussai un sourcil interrogateur.
 
« Je viens avec toi.
  - Pardon ?
  - Tu pars chasser, n'est-ce pas ?
  - Oui... seule ! Répondis-je en insistant excessivement sur le mot « seule. »
  - Tu n'es plus seule maintenant. Tu as fait de moi ton serviteur. »
I
l marquait un point. En plantant mes crocs une deuxième fois dans sa chair, j'avais uni nos deux vies.
  « Justement, tu es mon serviteur ! D'ailleurs, tant que je le tolère, décide-toi : soit tu me tutoie, soit tu me vouvoie.
  - Je ne comprends pas ?
  - La première phrase que tu m'aies dite lorsque l'on s'est rencontré, « je te cherchais », a été employée avec le tutoiement, puis tu m'as vouvoyée tout le reste du temps. Et ce soir, tu te remets à me tutoyer. Je ne suis pas une girouette ! »

Il rit aux éclats. Je sentais l'irritation me monter au nez.
  « Oh, tu sais, à partir du moment où tu m'a mordu deux fois, je pense pouvoir me permettre de te tutoyer. me lança-t-il, d'un ton bien trop sarcastique à mon goût. Toujours est-il que je viens avec toi ! »
Le feu brûlait dans ses yeux. Je compris alors qu'il avait réellement l'intention de me « protéger » et que jamais je ne serais tranquille désormais. Je me sentais piégée. D'un geste vif, ma main alla se claquer sur sa joue – elle était froide. Sous la force de cet acte, Dimitri chancela. Il porta la main à sa pommette désormais brûlante et me regarda de ses grands yeux.
 
« Très bien. Fais le toutou. Mais tu me paieras ça en rentrant ! »
Il avala difficilement sa salive. Ses yeux de marbre me regardèrent d'un air apeuré.
 
Je bondis de la fenêtre. J'entendis Dimitri pousser un cri et s'agiter. Mon saut fut entrecoupé d'une vision. Un sabre. Des gravures que je ne comprenais pas décoraient la lame. Des sculptures entouraient un péridot qui ornait fièrement sur le pommeau. Je – ou, du moins, une main qui semblait rattachée à mon corps – pris la lame et la mis dans son fourreau, paré de sculptures tout aussi travaillées. Un flash. Je dévalais maintenant les escaliers. Ils ressemblaient étrangement aux escaliers de notre immeuble. Tout à coup, je revis enfin le sol se rapprocher de moi. J'étais revenue dans mon véritable corps. J’atterris sur le sol sans un bruit. La discrétion des vampires, sans doute. Tout le contraire de Dimitri. Le vacarme qu'il produisait aurait pu réveiller les morts. Il surgit de l'immeuble, haletant, portant le sabre de ma vision à sa ceinture. Il accourut à ma rencontre.
  « Je n'ai pas ta rapidité ! Laisse-moi reprendre mon souffle.
  - Tu n'as rien ressenti ?
  - Ressenti quoi ?
  - Il semblerait que nous soyons plus liés que je ne le pensais. J'ai vu à travers tes yeux. »
Son visage se figea de stupeur et vira au rouge pivoine.

 
« Tu... Tu as vu ce que je pensais ?...
  - Rassure-toi, tu ferme trop ton esprit pour ça. Tous tes secrets sont saufs !
 répondis-je, avec une pointe d'amertume. Allons-y maintenant, je suis affamée ! »
  Je repris ma marche, et tournai à droite, dans la rue bondée quêtant une proie. Tout en cherchant, je songeais à ce qu'il m'était arrivé. Comment était-il possible que je puisse voir à travers ses yeux ? Ainsi était-ce le pacte qui nous unissait ? En devenant mon esclave, cela me donnait-il le droit d'observer d'un autre point de vue ? Mais à quelle fréquence cela nous arriverait-il ? Elles pourraient peut-être s’avérer utile. Je ne savais rien de mon espèce, Il était partit sans rien me dire. J'aperçus enfin une proie, une jeune mendiante. Je ne saurais dire si ses cheveux en bataille étaient blonds ou bruns tant la crasse y avait fait son nid. Ses haillons déchirés pendaient lamentablement. Elle implorait les passants d'une voix faible, lançant sur eux un regard terne et vide. Un bien piètre repas qui s’annonçait. Je vins à sa rencontre, Dimitri sur mes talons. Lui proposant beaucoup l'argent, nous l'emmenâmes dans la ruelle de notre immeuble. À l'écart des passants, je plantai mes crocs dans sa maigre chair. Son sang n'avait presque pas de goût. Je n'éprouvais aucun plaisir à me nourrir de ce liquide dénué de saveur. Les mendiants, plus jamais ! Je vis que Dimitri réprimait une grimace de dégoût. Il semblait se forcer à regarder la macabre scène. Pourquoi avait-il autant tenu à me suivre, si cela le dégoûtait ? Son expression m'insultait. Il allait payer cette attitude... 

  Ce fut en silence que nous rentrâmes dans notre appartement. Une fois dans la pièce principale, je m'assis sur son lit au matelas épais. Je rompis ce silence pesant :
 
« J'espère que tu es conscient que ton insolence est inacceptable !... Viens ici ! Le sang de cette pauvre fille ne m'a pas repue. »
Sans même sourciller, il s’avança et s'agenouilla devant moi. Je saisis sa tête et la pencha sur le côté. Je plantai mes crocs dans sa chair. Ah ! Le goût sucré du sang de Dimitri. Il était tellement revigorant. Bien sûr, je ne bus pas autant que la première fois. Juste quelques petites gorgées. Puis, je relâchai enfin mon étreinte.
 
« Ça, mon tendre Dimitri, c'était pour t'être opposé à moi avec tant de fougue et m'avoir forcée à accepter ta présence lors de ma chasse... Maintenant, Dimitri, on va passer à quelque chose de beaucoup plus intéressant... »
Il releva la tête. Je vis l'appréhension dans son regard.
 
« Oh oui, tu peux faire cette tête-là ! Ton attitude alors que je mangeais est intolérable. C'est un affront envers ta maîtresse. Je vais te faire regretter ton expression de dégoût...
  - Je suis très résistant. »
Je relevai un ton de défi dans sa voix. Cette impétuosité m'agaça. Je me redressai, le poussant au passage. L'unique fenêtre de notre appartement était fermée par des volets en bois. Un rideau en tissu rouge bordeaux nous cachait davantage de la lumière. Il était retenu par des cordes souples. D'un geste vif, je défis les cordages. « Viens ici, Dimitri. » Il hésita. Mon ton calme était plus menaçant que jamais. Je surgis devant lui, les cordes du rideau à la main. Il portait une chemise blanche. Je la déboutonnai et lui enlevai. Mon mignon petit esclave rougissait jusqu'aux oreilles. « Donne moi tes poignets. » Il s’exécuta sans prononcer un mot. J'attachai l'un de ses poignets avec une corde et fis de même avec la deuxième sur son autre poignet. « Lève-toi maintenant ! » Je le dirigeai vers la fenêtre et attachai les deux cordes à la tringle du rideau. Comme il était plaisant de voir l'innocent Dimitri torse nu, les bras en croix tel Jésus lors de son sacrifice. Je me tenais devant mon blondinet ligoté. Un sentiment de puissance m'envahit.
  « Ah ! Mon naïf petit Dimitri... Comment vais-je bien pouvoir te punir ?... »
Je portais un serre taille par dessus mon chemisier. Aussi, une idée me vint. Je dénouai l'un des laçages en cuir. Je m'approchai de Dimitri, posai mes mains glacées sur son ventre. Il tressaillit au contact de mes doigts, rougissant de plus belle. J'approchai mes lèvres de son oreille. Il s'agita nerveusement.
« Ah, Dimitri... » J'embrassai sensuellement son cou, le mordillant un petit peu. Il gémit. Je m'écartai de son corps en ébullition et lui présenta ma lanière. « Maintenant, Dimitri, le vrai jeu commence. » Je lançai un sourire sadique à son égard. Il me fixait, craignant le pire. Je brandis ma lanière et fouettai l'air une première fois. Puis un premier coup jaillit sur le torse de Dimitri. Il réprima un cri. Ses grands yeux d'azur étaient rivés sur moi. Ils me transperçaient. Ils me posaient la question « pourquoi ? » . Il ne cillait pas, comme pour me signifier « Non, je ne crierais pas. Je te regarderais porter chaque coup sur moi. » C'était déconcertant. Il fallait à tout prix qu'il les ferme. 


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Je cinglai son torse encore et encore, cherchant à faire disparaître ce regard intensif. Ce petit effronté n'était pas disposé à courber l'échine devant mes coups. « Crie ! Dimitri, crie ! » Je frappai fort. Je ne le rouais pas sous les claquements. J'attendais que chaque coup fasse effet sur sa peau. Il commençait à avoir des hématomes. Il continua de me regarder. Un rictus se dessinait sur son visage à chaque coup mais il persistait. Finalement, il céda : « Argh !!! » Je détachai le jeune homme inconscient, et l'allongeai par terre. Je posai sa tête sur mes genoux.
  « Dimitri. Dimitri.
dis-je d'une voix douce.
 
- … Saya ?... »
Il planta à nouveau son profond regard dans le mien. D'une main, il cala une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Il me fit un sourire qui se voulait rassurant. Je pris sa tête entre mes mains et le berçai. Il ferma les yeux.
 
« Tu vois, mon angélique enfant, il ne faut pas contrarier ta maîtresse. Tu as appris la leçon, n'est-ce pas ? Là, là. Repose-toi maintenant... », murmurai-je en lui déposant un baiser sur le front.

- fin du chapitre IV -
Lien → Partie I : Chapitre V
dessin fait par @Ange

 

- Partie I : Chapitre III -


Bonjour !
Toujours comme d'habitude, il est possible que certains passages puissent être... rho et puis si vous êtes rendu(e)s là, vous savez déjà ce qu'il en est ! :D Sachez que vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir. 
Bonne lecture ! 


- Partie I : Chapitre III -

     Je ne le savais pas encore, mais ce doux regard allait marquer un tournant décisif dans ma vie jusque là monotone. 
     Un œil bleu clair si naïf, si ingénu. Cet air qui me donnait sans cesse envie de l'étriper. La première chose que je vis fut cette main fine et fragile qui m'arrêtait. Sortant de ma stupéfaction, je découvris ensuite mon interlocuteur. Il était plus grand que moi et pourtant semblait si jeune, 16 ans tout au plus. Son visage nacré était trempé de gouttes de sueurs. Il posait sur moi de grands yeux effrayés. Ils étaient aussi bleus et clairs que les miens pouvaient être d'un bleu obscur. Des yeux azurés à la fois apaisants et agaçants. Une avalanche de cheveux blonds, légèrement ondulés et épais lui descendait jusqu'aux reins. Il avait l'air tellement niais. Lentement, avec une appréhension certaine, il ouvrit la bouche pour parler : « Non, s'il te plaît. Attends, je te cherchais justement... » Il avait une voix douce et mélancolique. Un timbre si enfantin. Intriguée par ses intentions, je détendis mon corps, jusque là toujours en position d'attaque. Je lui fis signe de poursuivre.
    « Pas ici. On pourrait nous surprendre...
   - Et où veux-tu que je t'emmène? Dans ma crypte d'où tu ne pourras plus ressortir ? demandai-je avec ironie.
      - Ça me convient. »
Décidément, ce petit effronté n'avait pas froid aux yeux. Il savait pertinemment ce qui l'attendrait une fois là-bas.
 
     Arrivés dans le tombeau où j'avais temporairement élu résidence, mon agitateur défit son manteau. À en juger par ses vêtements, il devait être d'origine russe. Il portait une sorte de caftan léger. Les longues manches dissimulaient ses bras maigrelets. Un mince col peu imposant abritait sa gorge de la fraîcheur nocturne. Je ressentais ses veines lancer de frénétiques pulsations contre son cou. L'envie de m'abreuver de son énergie vitale n'en était que plus forte. Il devait le sentir, son cœur battait à tout rompre. Un boucan infernal. Il desserra nerveusement son col. S'en était trop pour moi, c'était plus qu'une invitation à boire maintenant. Lui et moi savions exactement ce qui se passerait. Ne pouvant plus me retenir, je m’avançai vers lui. Je le plaquai contre le mur, l'immobilisant. Il me regarda, conscient de sa position et ferma les yeux. Ils s'abandonnait totalement à moi. Ne faisant aucun effort pour me freiner, je plongeai mes puissants crocs dans sa chair. Un gémissement sorti de sa bouche. Je bus goulûment. Je sentais que je puisais dans ses dernières réserves. Alors qu'il était sur le point de s'évanouir, mon repas usa de ses dernières forces :
    « ... D... Dimitri...
    - Hein ?
    - ... J... Je... m'appelle... D...
»
Pétrifiée, je lâchai tout. Son corps inconscient s'écroula sur le sol glacé de la tombe. Hors de moi, je saccageai le tombeau, profanant la tombe de mon hôte pour envoyer valser ses ossements à travers la pièce. « Sombre crétin ! » Je poussai des cris hystériques, donnant des coups de pieds à son corps inerte. « Pourquoi avais-tu besoin de me donner ton nom, stupide blondinet écervelé !!! » Une légère plainte émana du corps. Il était toujours en vie. Soit. Le jour n'allait pas tarder à poindre. Je le laissais là et partit dormir en prenant la place du mort qui occupait initialement cette sépulture. 

     En me réveillant, le soir suivant, Je vis mon jeune imbécile, toujours inconscient. Il avait perdu beaucoup de sang au cours de la journée. Il était mort. Je saisis l'un de ses pieds et commençai à le traîner hors de mon sanctuaire. Une faible râle m'interrompit. Ça alors, il était toujours vivant ! Je revins vers lui. Malgré sa volonté de vivre véhémente, il agonisait. Dieu que c'était fascinant de voir la souffrance sur son visage ! Il était tellement expressif. Voir les traits de lutte contre la mort se dessiner sur son visage était absolument excitant. À la vitesse de l'éclair, je fonçai en ville me chercher à manger et acheter de quoi peindre, priant pour qu'il ne meure pas entre temps. Lorsque je fis de nouveau face à la tombe, je perçus que la vie ne l'avait pas encore quitté. Je me mis immédiatement au travail. Cela faisait longtemps que je n'avais pas peint, mais mon coup de pinceau ne m'avait pas quitté. Je passai la nuit à représenter le mourant sur une toile, essayant de retranscrire ses moindres rictus de douleur. Je dessinais la blondeur de ses cheveux, souillée par son sang. Il se tordait tellement de douleur que je ne pensais pas l'humain capable de tels prouesses physiques. Un peu avant l'aube je partis chercher une banane et un peu d'eau que je gardais dans une gourde et vint la poser bien en évidence près du blondinet. Je partis ensuite me coucher. Si le lendemain soir il avait réussi à prendre ainsi qu'à consommer la banane et l'eau, je le garderais auprès de moi. Évidemment, cela incluait qu'il survive jusque là... Mon sommeil fut agité cette journée, il me semblait entendre, ou croire entendre, quelques mouvements à l'intérieur du tombeau. Cependant, je ne pensais pas le jeune homme capable de bouger le petit doigt. Quel ne fut pas le choc lorsqu'en me levant je le vis assis contre le mur, le verre vide et la peau de banane déjà assaillie de fourmis. Il tenait difficilement assis tandis qu'il engloutissait fébrilement la fin de sa banane. Je comptais tenir le pari que je m'étais fait à moi-même. Sans un mot, je sortis du tombeau pour n'y revenir que quelques heures plus tard, un sac rempli de provisions destinées à mon nouveau "protégé". Alors qu'il enfournait des bouchées de pain de plus en plus grosses, je décidai de rompre le silence. 
    « Tu as dit que tu me cherchais... Dimitri ? Pourquoi ? »
Il me regarda de ses grands yeux, surpris par ma question. Il avait du pain plein la bouche et communiquer semblait difficile.

    « Donne moi une seule bonne raison de ne pas faire de ta tendre chair mon repas...» Il déglutit avec difficulté. 
    - Je sais des choses... Des choses qui vous seraient utiles...
  - Hah ! Et pourquoi ne te torturerais-je pas pour obtenir ses informations et abrégerais-je ensuite tes souffrances ?
Je discernais la fascination dans son regard opalin. Il luttait énormément pour ne pas succomber à mes atouts.
    - Parce que... Je veux vous protéger..., me dit-il avec sérieux.
   - Ha ha ha ha ha !!! Me protéger ?!! Mon pauvre agneau, je crois que tu n'as pas saisi qui était le loup dans cette histoire !
»
Il me regarda, incrédule. L'ingénu ne savait pas s'il devait être amusé ou effrayé. Il serait très intéressant à étudier.
   
« Tu es vraiment très distrayant ! Mais maintenant, la plaisanterie a assez duré, dis-moi pourquoi tu me cherchais et ce que tu sais. Je te laisserais peut-être en vie après. menaçai-je.
    - Je ne peux pas me résoudre à vous dire tout ce que je sais dès maintenant. Il en va de votre protection.
    - Ah ! Tu commence à m'énerver stupide animal !! Tu tiens tant à mourir ? Méfie-toi, je ne suis pas si patiente d'habitude !
    - Je peux vous dire une chose : je sais des choses à propos de celui que vous appelez « "Maître" ». révéla l'ingénu.
Mon Maître. Je ne tenais plus en place. Mon corps bouillonnait de toutes parts. Je saisis les épaules de Dimitri.
    « Que sais-tu ? Parle ! Où est-il ? Quel est son nom ? Que veut-il faire de moi ?!! Tu vas répondre !!! m'emportai-je.
    - Permettez-moi de vous proposer un marché. En échange de mes informations, gardez moi auprès de vous.
    - Tu n'as pas idée de ce que tu me demande. Tu as la folie de la jeunesse mon pauvre. Quel âge as-tu ? ajoutai-je avec curiosité.
    - J'ai 16 ans.
    - 16 ans. Un enfant, rien de plus... Tu m'encombreras plus qu'autre chose. J'ai mieux à faire que de te payer à manger.
    - Vous n'aurez pas à le faire. Je sais me débrouiller. assura-t-il.
   - Je suis loin d'être gentille. Je ne te cache pas que je te torturerais... Tu as des expressions tellement intenses, je veux toutes les découvrir. expliquai-je nonchalamment.
    - Je le supporterais.
    - Et pourquoi donc acceptes-tu un tel sacrifice ? dis-je en frottant mon front d'un geste impatient.
    - Pour vous protéger. répéta Dimitri.
    - Ah, ce que tu peux être ennuyeux ! N'as-tu pas un autre discours ? soupirai-je.
    - Non. C'est ma seule motivation.

    - Et pourquoi ? Comment connais-tu mon existence ?
    - Je ne peux pas vous le dire... avoua le jeune homme en rougissant.
    - Si tu tiens tant à rester auprès de moi, il va falloir être conciliant !
    - … C-C'est par votre maître. bafouilla-t-il enfin.
    - Tu l'as vu ? Où ?
    - Je ne peux pas vous le dire ! Il est dangereux ! N'essayez pas de le retrouver !
    - Bien sûr qu'il est dangereux. Je le suis tout autant mon cher Dimitri... ris-je.

    - C'est au delà de ce que vous pouvez imaginer.
    - Ça suffit. En une nuit, je me suis déjà lassée de toi...
  - Je ne peux pas vous dire à quel point il est dangereux... C'est encore trop... douloureux pour vous l'expliquer... insista l'enfant, la mine déconfite.
    - Bon sang, mais tu es un chien errant ou quoi ?! Retourne dans le doux foyer dans lequel ta maman est en train de te préparer un délicieux pot-au-feu !
»

    Son joli visage rosé s'assombrit tout à coup. Il baissa la tête, visiblement en proie à une souffrance qu'il tentait de dissimuler. Une expression tellement adorable. Il faudrait que je retrouve comment la déclencher...
  « Je suis désolé, Saya. Je n'ai nulle part où rentrer. Je suis orphelin... »
Oh non. Pas les jérémiades d'un orphelin, non...
 
« C'est pour cela que je n'ai plus rien à perdre. Laissez-moi vous accompagner. J'ai un héritage qui pourrait vous être utile ! Vous n'auriez plus besoin de dormir dans ces tombeaux froids et humides ! »
Je tentais de capter ses pensées depuis le début mais jamais il ne m'avait ouvert son esprit. Comment faisait-il ? Cela piquait ma curiosité au vif. En revanche, il me laissait percevoir sa détermination à rester auprès de moi. Les dés étaient jetés.
 
« Rha ! Bien ! Tu peux rester ! »
     Je m'accroupis à côté de lui, pris son poignet et relevai sa manche. Il tressaillit au contact de mes longs doigts froids. Je léchai l'intérieur du poignet. Le sang battait dans ses veines, menaçant d'exploser. Son sang lui même me réclamait, réclamait sa maîtresse. Je sentais l'adrénaline monter dans le cœur de Dimitri. Ses veines palpitaient avec férocité. Il me désirait autant que je le désirais. « Bienvenue dans mon monde, mon tendre Dimitri. » Brusquement, je plantai mes crocs dans son poignet. Il étouffa un cri de stupeur mais ne se débattit pas. Il me regardait. Il acceptait. Notre pacte était scellé. 

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- fin du chapitre III - 
dessin by @Ange 



 

- Partie I : Chapitre II -

Bonjour !
Attention, encore une fois, certaines scènes peuvent peut-être perturber certaines d'entre vous... Mais bon, si vous lisez ce chapitre, vous devez déjà être au courant ! ;) 
Bonne Lecture ! 


- Partie I : Chapitre II -

     Nous cachâmes les cadavres dans le bayou, ne laissant derrière nous que les flaques de sang. Nous offrîmes les restes aux charognards et aux marais. Mon Maître finit par m'annoncer son départ. Je ne comprenais pas. Je ne savais rien de ce monde.
 « Tu feras tes propres expériences. Je ne peux que te conseiller de dormir le jour. Le reste, tu l'apprendras par toi-même. Ne cherche pas à me contacter. C'est moi qui te trouverais en temps voulu.
 - Maître, vous ne pouvez pas m'abandonner ! Je ne sais rien de ce monde. Comment vais-je faire ?
 - Utilise les humains à bon escient. Deviens un être redoutable. Je te promets de revenir un jour. J'ai des projets pour toi... Et n'oublie pas de te cacher de la lumière du jour, cela risquerait de brûler ta jolie peau de nacre.
»      
     Et Il m'abandonna. Pour la première et la dernière fois de ma vie, je pleurais toutes les larmes de mon corps. Lorsque l'aube approcha, je fus tentée de la laisser me tuer mais l'idée étant trop effrayante, je creusai un trou béant dans le sol marécageux du bayou. Je dormis ainsi la première nuit, sanglotant pour mon bien-aimé créateur. Je me sentais trahie. Pourquoi me transformer si c'était pour se débarrasser de moi aussitôt ?

     Le lendemain soir, je m'éveillais assez tôt pour apercevoir les derniers rayons du soleil. Il était supportable à cette heure. Je savais qu'en raison des meurtres sanglants de la nuit passée, je ne pouvais pas rester à la Nouvelle-Orléans. Je désirais cependant récupérer mes dessins. Une fois en ville, je vis des affiches placardées sur tout les murs. On voulait résoudre le mystère meurtrier de la veille. Personne ne pouvait donner de description des agresseurs. Un appel à témoin était lancé. Je devais partir dès ce soir. J'étais facilement repérable.
     J'entrai dans ma chambre par la fenêtre ouverte. J'entendais ma mère pleurnicher en bas. Je ne regrettais pas de ne plus la voir. Qu'elle culpabilise de m'avoir jeté dehors cette nuit là ! Je repartis aussi vite que la lumière, ne lui laissant que l'espoir d'avoir entendu un bruit dans ma chambre. La faim me tenaillait avec fureur. Je pris la première personne qui croisa mon chemin et n'en fit qu'une bouchée. Je ne pris même pas le temps de savourer ce délicieux liquide couler le long de ma gorge. Mes forces, rehaussées par le sang chaud, m’entraînèrent loin au dehors de la ville. 

     Je passais les années suivantes à errer de ville en ville, profanant les tombeaux le jour et ne sachant quoi faire. Je découvris petit à petit mes nouvelles facultés. Un détail auquel je n'avais pas fait attention la première et la deuxième nuit était que je pouvais « entendre » les pensées de mes victimes. Je pouvais savoir qu'elle étaient leurs dernières pensées, leurs dernières images au moment où je plantais mes crocs dans leur cou offert.
     Je n'avais pas croisé de vampires et ne savaient pas comment je les reconnaîtrais. Je cherchais mon Maître, sans espoir. Je ne connaissais ni son nom, ni ses intentions. Il m'arrivait de me demander ce qu'il avait voulu dire lorsqu'il avait parlé de projets pour moi. J'espérais le revoir très vite. Aussi, je restai dans la partie Est des Etats-Unis, attendant qu'il me retrouve.
    Je m'employais à suivre ses indications : je devenais de plus en plus redoutable. J'appris à jouer avec mes victimes.
     Je me souviens du jour où je me suis aperçue qu'en plus de les entendre, je pouvais contrôler les pensées de mes proies et également leur faire voir ce que je voulais qu'ils voient. Cinq ans étaient déjà passés. C'était avec un homme d'une quarantaine d'années. Il était marié et avait une petite fille de 6 ans. Ce rustre battait sa femme et passait son temps à boire. Il dépensait l'argent familial en beuverie. Ce soir-là, j'étais en colère de n'avoir toujours aucune piste sur mon Maître. C'est là que je le vis, avachis sur le bords d'un trottoir. Je sondai son esprit et y vis toute la pourriture de son âme. S'il y avait un humain qui méritait encore plus que les autres de mourir, c'était bien celui-là. Il devrait souffrir encore plus que les autres. Je le traînai dans un immeuble désaffecté. Il était déjà salement amoché par mes coups. Je le mordais, le projetais contre les murs, prenant soin de lui faire mal sans pour autant le tuer. Je pris plaisir à fracturer ses membres, briser ses os de l'intérieur. Il implora ma clémence. J'avais le sentiment d'être un dieu vivant. Je plongeai mes intenses yeux de saphir dans les siens. « Tu m'as fait beaucoup de mal, tu sais. Ce n'est pas toi qui devait expliquer à notre enfant pourquoi maman pleurait.» Je lui donnai l'illusion que j'étais sa femme, mutilée et meurtrie. Je m'avançai vers lui, tel un démon. L'ivrogne se recroquevilla contre un mur, redoutant la vengeance de sa « femme. » Il supplia, cria, pleura comme un bébé. Il finit par se relever et tenta de m'échapper. Il se mit en position de défense face à moi.
  « Ce n'est pas toi, Anna !
  - Si, c'est moi ! Regarde ce que tu m'as fait ! Tu es complètement malade !!
  - Ha ! Je ne sais plus ce que je dois croire ! Je deviens fou ! »
Il plaqua ses mains contre son crâne, torturé par sa démence. Je m'avançai vers lui d'un air menaçant, mon regard planté dans le sien. Il eut un mouvement de recul et passa au travers de la fenêtre en morceaux. Je jetai un coup d’œil par dessus la lucarne. Nous n'étions qu'au deuxième étage, la chute l'avait juste assommé et meurtri davantage. Mince, il avait encore la volonté de se relever. J'allais pouvoir m'amuser une dernière fois. Je sautai de l'immeuble, fondant sur lui, crocs en avant. J'eus le temps d'apercevoir la dernière flamme d'espoir mourir dans ses yeux. Il n'eut même pas le temps de crier.
     En plus de jouer avec elles, j'appris aussi à séduire mes victimes. C'était une pratique moins amusante mais néanmoins, intéressante. Je compris que mon pouvoir passait aussi par mon apparence ensorcelante, même pour des vampires. Je pouvais attiser mes proies masculines, tout comme les femmes, avec les yeux les plus doux qu'il m'était possible de faire. J’ensorcelais mes proies. Hébétées, elles me suivaient comme une meute suivrait le loup dominant, ne se nourrissant plus. Je les laissais dépérir pendant des jours et des nuits entières, jusqu'à ce qu'ils meurent d'épuisement. Je tentais mes expériences. Le femmes tenaient plus longtemps. C'était sûrement dû au fait qu'à cette époque, elle devait avoir une volonté de fer. Mais elles finissaient toujours par succomber et elles étaient les plus intéressantes à voir mourir. Les hommes étaient juste complètement idiots. Ils se laissaient berner trop facilement par ma beauté. C'était trop facile.
 

       Finalement, dix ans après ma transformation, je me résignai à explorer le reste des Etats-Unis.
     Je découvris la Californie et ses plages somptueuses. Les gens là-bas étaient beaucoup plus intéressants que ceux de Nouvelle-Orléans. Le climat était tellement différent. Les gens y respiraient la santé et la vie. Cette ville était en plein essor. Mon goût du raffinement et du luxe se développa. J'en avais assez de ces cimetières nauséabonds. Je pris l'habitude de tuer des gens plus riches, ainsi, je pouvais voler leur portes-monnaies plus remplis que ceux des simples bourgeois. J'en avais assez de cette existence vagabonde. Je comptais attendre mon Maître encore cinq ans, peut être dix, et partir explorer l'Europe.
  Ce qui était drôle dans cette région, c'était que les jeunes filles étaient particulièrement écervelées - oui, même en ce temps là -. Elles rêvaient d'exotisme, de rêve. Aussi je m'amusai à me déguiser en garçon pour les séduire. Bien sûr, je leur faisais croire que j'en étais un. Une nuit, l'une d'elle qui devait être la moins écervelée, dans un moment de lucidité m'a demandé :
  « Mais, vous n'êtes pas un homme...
  - Qu'est-ce que ça change pour toi, ma douce ? »
Je la couvris de baisers, mes mains agrippant sa chevelure blonde . Elle pensait que j'étais un vilain garçon du petit peuple venu lui faire la cour pour ensuite lui arracher ses délicates dentelles à l'insu de son père, directeur d'une grande entreprise. Elle comprit la supercherie lorsqu'elle sentit mes crocs aiguisés pénétrer dans sa chair brûlante de désir.
  « Aïe ! Mais qu'est-ce que vous faites ? Arrêtez ! Non !! »

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     Ses cris déchirèrent la nuit. Ce n'était pas les cris qu'elle aurait souhaité pousser en cette soirée. Plus elle criait et se débattait, plus je la serrais contre moi, puisant ses dernières gouttes de sang. Son cœur, qui battait si fort avant, cessa de battre si lentement qu'on aurait dit qu'il suivait le rythme d'une boîte à musique. Cette nuit-là, je m'étais sentie observée. Malheureusement, ce n'était pas la présence ténébreuse de mon Maître. Cette aura-ci me craignait.

     Le lendemain soir, je parcourus les rues désertes, cherchant à savoir où était l'être qui me redoutait. Visiblement pas assez puisqu'il avait violé mon intimité lors de mon dîner de la veille. Il m'agaçait au plus haut point. Lorsque j'aurais trouvé cette crapule, je lui arracherai la gorge comme on décapite la tête d'une poupée. Je scrutait les horizons, cherchant à percevoir d'où venait cette voix insupportable. Je ne désirais qu'une chose : dépecer l'auteur cette insoutenable sensation. J'allai de toits en toits, cherchant à m'élever pour agrandir mon champ de vision. A force de concentration, je finis par percevoir un point précis.
     Je vis cette forme loin en contrebas. Il se déplaçait lentement, se faisant discret. Je suis bien plus près que tu ne l'imagine, pauvre idiot ! La rage fulminait en moi depuis la veille. Je n'avais rêvé que d'égorger cette personne. Je sautai sur les toits, féline comme un chat. Mes pieds et mes mains se posaient délicatement à chaque impact. Arrivée sur le pavé, je pris soin cette fois, de provoquer un fracas qui fit sursauter ma victime. Il se retourna violemment mais je m'élançai déjà sur lui. Une main frêle et un regard angélique me stoppèrent net.


-  fin du Chapitre II -
Lien Partie I : Chapitre III
Dessin by @Ange 


- Partie I : Chapitre I -


Attention, certains propos dans le texte qui suit peuvent heurter la sensibilité des plus ... émotives? Vous êtes libres de lire mais je préfère prévenir - et ainsi, m'éviter tout problème ;) - Bonne lecture !

  Si vous ne l'avez pas lu, il faut lire le prologue avant, sinon vous ne comprendrez pas qui parle. Le Prologue fait partie intégrante de l'histoire. (LienPrologue)
Et surtout, n'hésitez pas à donner votre avis sur ce chapitre ! ;)

- Partie I : Chapitre I -
 
        Ce fut en 1934 que cela se produisit. Je vivais à la Nouvelle-Orléans avec mes parents. Déjà humaine, j'étais froide comme la glace. Je n'avais pas d'amis et cela me convenait parfaitement. Mes parents eux-mêmes étaient distants avec moi. Je trouvais mon existence inintéressante et fade. Je ne comprenais pas vraiment le sens de la vie. En y repensant, même à cette époque, je préférais la fraîcheur et le calme du crépuscule au bruit incessant du jour. Je me laissais porter par les semaines qui se succédaient les unes aux autres, arpentant les rues désertées de la ville. Je m'arrêtais souvent pour dessiner.
        La veille de ma création, la soirée était plus étrange qu'a l'accoutumée. J'avais le sentiment d'être suivie continuellement. Il me semblait entendre des murmures me disant : « Regarde bien attentivement le soleil dans toute sa beauté demain. » Ce devait être mon imagination. Je rentrais chez moi sans y prêter attention.
        Au matin, je fis pourtant ce qu'il m'avais semblé être un conseil. J'observai l'éclat flamboyant du soleil au petit jour. Il était comme d'habitude pourtant. Tout était habituel, d'ailleurs. Je me souviens très bien de la chaleur de ce jour d'été. Je m'étais vêtue d'une robe blanche légère accompagnée d'un léger foulard noué sur le côté de ma gorge. Comme je n’exerçais aucun métier, je passai la journée dehors, prise d'une irrésistible envie de tout dessiner. Je dessinai l'aube, les oiseaux et même certains passants que je trouvais plus beaux que les autres. En fin d'après-midi, je fus importunée par une bande de jeunes imbéciles en manque de filles. Je retins le nom du chef, Jason. Il était boursouflé par l'alcool qu'il ingérait continuellement. Ses joues mal rasées pendaient lamentablement. Ses cheveux baignaient dans la gomina et quelques mèches tombaient sur son front. Ses yeux marrons vitreux était rivés sur mes atouts. Il ne lui manquait plus que la langue pendante et il aurait fait un parfait petit chien. Je le regardai avec un mélange de dégoût et de dédain. Un agent de police vint à ma rescousse et je pus plier bagage pour rentrer chez moi. Le soir, j'observai attentivement le coucher de soleil pour le peindre. Je m'appliquai dans le choix des couleurs et de la prise de vue.
        Ma mère vint me jeter dehors car elle recevait des invités de marque. Elle avait déjà presque 51 ans et ne rechignait pas à travailler. C'était une femme relativement corpulente. Ses mains boudinées étaient ravagées par le temps. elle n'était pas très jolie en somme. Une rombière banale et sans intérêt. Ma beauté venait de feu mon père, mort suite à une maladie lorsque je n'était encore qu'une enfant. Il avait toujours le cœur sur la main et était tout le contraire de ma mère. Elle, elle cherchait à s'élever dans la société, aussi, lorsqu'elle recevait à dîner, je devais quitter les lieux pour ne pas l'embarrasser.
        Il n'en avait pas toujours été ainsi. Au début, elle me conviait, espérant me marier avec l'un de ses bourgeois fonctionnaires. Leurs visages de porcs me scrutant dans les moindres détails pour savoir si j'étais une bonne marchandise me répugnaient. Mais je les faisais vite déchanter avec mon air méprisant. Je ne répondais que le strict nécessaire, m'appliquant à mettre toute la froideur de mon âme dans mes mots. Je finissais pas les mettre mal à l'aise, ce qui convainquit ma mère de me laisser tranquille.

       Je partis donc, en cette dernière soirée mortelle. Le crépuscule avançait à chacun de mes pas si bien que sans m'en rendre compte, la nuit était bien avancée et j'étais déjà bien loin de la maison familiale.

       Je sentis de nouveau la présence derrière moi. Cherchant à voir si quelqu'un se montrerait, je m'engageai dans un parc où je savais que personne ne viendrait me déranger. Mais rien. La voix s'était tue. L’Être s'était même volatilisé. Déçue, je repartis dans les rues de la ville. Ce fut au bout de l'une d'elles que je le vis enfin. Il était grand et incroyablement séduisant. Il devait avoir trente ans tout au plus. Pourtant, il semblait bien plus vieux que ce que ses traits ne laissaient transparaître. Il portait une longue cape noire le rendant mystique. Sa chevelure d'un noir de jais descendait en cascade jusqu'au bas du dos. Son visage pâle et ses traits fins lui donnaient un air androgyne. Ses yeux légèrement en amende étaient noirs comme la nuit, son regard, orageux. Je me sentais irrémédiablement attirée par cet être ténébreux. Il me regardait droit dans les yeux, captant mon attention. Puis lorsqu'il fut certain que j'étais sous son emprise, il fit demi tour et partit. Je saisis qu'il m'invitait à le suivre.
        Je marchais sur ses pas à travers la ville. Je ne sais combien de temps s'était écoulé mais je fus obligée de laisser mes souliers qui meurtrissaient mes pieds. Nous marchâmes encore un peu pour finalement pénétrer dans le bayou de la Nouvelle-Orléans. Soudain, sans crier gare, il s'arrêta net. Je n'eus pas le temps de comprendre. Il se rua sur moi et m'agrippa la taille, me renversant en arrière. Il arracha mon foulard et planta deux crocs aiguisés dans ma gorge. La sensation du sang quittant mon corps et de mes forces m'abandonnant était une extase intense. J'étais au bord de l’évanouissement. Il finit par lâcher prise et me laissa à terre. Mon cœur battait à tout rompre. J'avais tellement soif. Il fallait que je boive, sans quoi, j'étais persuadée que je mourrais. Le vampire se pencha sur moi et s'entailla le poignet qu'il me tendit aussitôt. Sans réfléchir, je m'en saisis et absorbai son sang. Mes forces revenaient. Je m'agrippai à son poignet. Chaque gorgée que j'engloutissais me redonnait vie. Il me repoussa violemment et ma vigueur s'évanouit. « Non, je vais mourir si je m'arrête de boire ! »

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        Effectivement, je mourais. La douleur était atroce et n'avait d'égale que l'angoisse de sentir mon cœur ralentir et ma respiration se faire plus difficile. Mes canines s'allongèrent. C'était une torture extrême. J'avais le sentiment que mes gencives explosait. Je crachai un peu de sang. Il était assis à côté de moi et me regardait tendrement. Il posa sa main sur mon visage pour le caresser et laissa glisser ses doigts dans mes cheveux. Je tentai de lui tendre la main en signe d'appel au secours mais il se contenta de la reposer à terre. Il prenait un plaisir intense à me voir agoniser. Finalement, je me résignai à ne plus lutter. Il posa ses longs doigts fins sur mes paupières qu'il referma. J'étais morte.
        Lorsque je rouvris les yeux, le monde autour de moi avait changé. Les feuillages semblaient se mouvoir différemment. Le vent sifflait une douce mélodie morbide. L'être surnaturel était là, toujours aussi sublime. La soif me tenaillait l'estomac. Je portai la main à la bouche. Tremblante, je caressai mes crocs nouveaux. Mon démoniaque maître se leva enfin et prit la parole pour la première fois. « Maintenant, il est temps de te nourrir. » Il possédait une voix grave et suave qui m'enchantait. J’acquiesçai. J'aurais pu le suivre n'importe où. « Je crois savoir quelle victime fera l'affaire. »

        Nous repartîmes vers la ville, mais beaucoup plus rapidement cette fois-ci. J'étais dotée d'une force nouvelle et courir était si facile que nous arrivâmes en ville en un rien de temps. Dans une ruelle, mon Maître me guida à la rencontre de la bande qui m'avait agressée plus tôt dans la journée. Le chef, Jason, nous interpella :
        « Hey ! C'est pas un cirque, ici ! Casse-toi de là vieux débris ! Tu les as acheté où tes fringues ? Chez un antiquaire ? »
Il balança la bouteille de vin qu'il avait à la main et s'avança vers moi.
        « Hé mais j'te connais toi ! T'es la petite gourde de cet après-midi ! Alors, tu viens parce que t'en a pas eut assez ? Tu veux connaître l'amour, c'est ça ? »

        Mon Maître l'envoya contre le mur. Il se retourna vers moi et dans un sourire, il me lança :

      « Tu es libre. Tu peux faire tout ce dont tu rêvais étant mortelle. Peu importe la manière, bois son sang. »
Avec un rictus vicieux à l'adresse de la bande, il termina « Que le jeu commence. »
Sur ces mots, il se jeta sur l'un des acolytes et le tua d'un coup sec. Commençant à comprendre la situation, les autres se mirent à crier et courir dans tous les sens. Mais Il était trop fort et les attrapait tous. Il les envoyait s'écrouler contre un mur pour venir arracher leur gorge ensuite. Il s'amusa à écarteler l'un d'eux. Jason, pétrifié de peur, regardait ses amis mourir devant lui. Mon Maître me le laissait. Je m'avançai vers lui d'un air menaçant.
« Qu'est-ce que tu fais ? Arrête ! N'approche pas ! Démon ! » Il partit en courant. Inutile. Je le poursuivis dans la rue. Il hurla. Je voulais qu'il hurle encore plus fort. Je désirais sa mort plus que de boire son sang. Je bondis sur lui. Je le mordis de toute part. Il se débattit à l'aide de ses mains. Tel un chien enragé je saisis ses doigts entre mes dents et les lui arracha. Le sang gicla sur mon visage. Il pleura. Plus il criait, plus je riais. J'eus le plaisir de constater que mes mains étaient une arme efficace. Aussi, je plantai mon poing entier dans son torse, farfouillant dans ses tripes. Sa douleur devenait si insupportable qu'il en devint muet. Je l'achevai en plantant mes crocs dans sa chair tendue, mon Maître riant aux éclats derrière moi. Son succulent sang se déversait dans ma gorge, réchauffant mon corps. L'alcool que Jason avait ingéré se faisait sentir et je me laissai emporter par cette ivresse enivrant mes sens.


- fin du chapitre I - 
dessin by @AngeChan


- Prologue -

- Prologue -              

       L’Homme est un gibier. Cela fait maintenant cinquante ans que je le traque. Il est si facile à duper. Ce que j'aime par dessus tout, c'est de lui laisser croire qu'il a une chance, voir l'espérance dans ses yeux juste avant de prendre sa vie. J'ai parfois des tendances au sadisme en les laissant agoniser jusqu'au lendemain, pour finalement revenir achever le travail. Que voulez-vous ? La seule chose que mon Maître m'ait apprise, c'est à jouer avec la nourriture. Pour le reste, j'ai du faire face à ce monde hostile seule.
       Je m'appelle Saya. Pour le commun des mortels, je suis d'une beauté sans pareil. L'aura que j'émets crée la fascination partout où je vais. Ma chevelure noire est d'une brillance époustouflante. elle m'arrivera éternellement à la hauteur de mes épaules. Je pourrais être une poupée pour vous. Seuls mes yeux trahissent mon sadisme. Leur bleu profond est aussi froid que la glace qui emprisonne mon cœur. Mon visage, d'une lisse blancheur, est envoûtant. Je me suis arrêtée de vivre à 20 ans. Vous l'aurez sûrement déjà compris, je suis un Vampire.

       Je vis la nuit, vous savez certainement pourquoi. En revanche, je suis apte à supporter le soleil rougissant dans sa dernière demie-heure de la journée et dans sa première du matin. Cette faculté, sans doute héritée de la force de mon créateur, m'a permis de m'adapter à la vie humaine. En effet, ma surnaturelle beauté m'est utile autrement que pour séduire mes victimes : je suis modèle pour photographes. J'ai l'avantage de choisir quand et où mes shootings ont lieu. Ce sont les photographes qui se battent pour avoir mes séances très privées. Bien sûr, il m'est déjà arrivé de prendre un petit "en-cas". Mais l'assistant du photographe en question était tellement appétissant...
       Nous sommes au début des années quatre-vingt et la nuit vient de tomber. Je suis déjà repue de ma dernière victime, une frêle jeune fille d'une quinzaine d'années. Comme je vous le disais, cela fait cinquante ans que je suis un être se mouvant dans les ténèbres de la nuit...

- fin du prologue -

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Lien → Partie I : Chapitre I
dessin by @AngeChan

- Bonus : One Shot -

 Voici un petit OS sur Dimitri et Saya. Dans ce texte, vous pourrez déceler, si l'on peut réellement appeler ça comme ça, un micro "spoil". Bonne lecture.


    Cher lecteur, la scène qui suit n'est pas en lien direct avec l'histoire de Taste of Blood. On peut, éventuellement, la considérer comme une anecdote anodine du quotidien de notre ingénu Dimitri et de son effrayante maîtresse, Saya.
    Saya avait un compagnon désormais, Dimitri. Un grand jeune homme de 16 ans avec des cheveux aussi longs que beaux. Venant s'accorder à la blondeur de sa chevelure, il avait de grand yeux bleus émerveilles. Saya le trouvait inutile et niais. Nous étions en plein hiver dans un lieu qui n'a pas d'importance. C'était un hiver rude. Cette nuit-là, Saya et Dimitri se promenaient dans un parc. Saya se cherchait de la nourriture et son jeune « esclave » l'accompagnait. La jeune maîtresse était d'une humeur massacrante en cette soirée particulièrement fraîche, même pour un vampire. Dimitri était emmitouflé dans une longue écharpe qu'il avait proposé à Saya. Mais celle-ci avait fougueusement refusé déclarant que ce serait « un acte de faiblesse ». Dimitri s'était alors renfrogné et boudait, ruminant dans son écharpe. Tout à coup, quelque chose de glacé et humide vint se poser sur son nez. Il releva alors la tête pour admirer le torrents de flocons de neige sur son visage.
« Ah ! Saya ! Regarde ! Il neige ! Il neige ! »
Ses grands yeux brillaient de joie et d'enchantement. Il se retourna vers Saya. Celle-ci l'observait d'un œil consterné, dépitée par tant d'enfantillages.
« Pitié, tu ne va pas encore t'extasier pendant des heures ?
- J'ai toujours adoré la neige ! Allez viens Saya !
- Ah ! »
Il tira sa compagne par la manche et partit à grandes enjambées dans la neige.
« Rha ! Mais lâche-moi ! Imbécile ! »
Saya se défit de son emprise. Dimitri, étant habitué à sa froideur, ne s'en préoccupa pas. Il se mit à sautiller sur place, tentant d'attraper des flocons. Il riait aux éclats. Son écharpe volait joyeusement derrière lui. Elle finit par tomber au pieds de Saya.
« Tu as bientôt fini ? Il faudrait penser à grandir un peu. Laisse-ça aux enfants !
- Ah ah ! Être adulte, c'est tellement ennuyeux ! Tu vas prendre des rides si tu ne ries, ni ne t'amuse pas un peu plus ! 
Saya émit un son désapprobateur. Un rictus se dessina sur sa bouche.
- Tu vas voir si je ne sais pas m'amuser...
Mais Dimitri ne l'écoutait pas. Il était étendu dans la neige, agitant les bras et les jambes. Il se releva pour contempler son œuvre.
- Regarde, je suis un ange !
Saya ramassa l'écharpe à ses pieds et vint observer le travail du blondinet, ce qui la fit sourire.
- Je te l'accorde, tu as la naïveté des anges. Tu t'es assez amusé. Partons maintenant.
- Tu ne m'aurais pas gardé si je n'étais pas comme ça, non ?
Cette question l'interpella. Il la prenait au dépourvu.
- Je suis la joie et la candeur qui te complète, Saya.
- Tu devrais être moins naïf et plus méfiant comme moi.
- Tu as peut-être raison. Mais l'inverse vaut aussi pour toi. Prends le temps d’apprécier les gens que tu côtoie pour une fois.
   Saya regarda son protégé avec des yeux ronds. Dimitri lui prit l'écharpe des mains et l'enroula autour de son cou. Il sourit à Saya et lui tapota la tête. Il reprit la marche. Saya resta planté derrière, essayant de comprendre le sens des mots de son ingénu. Il commençait à être loin devant. Elle s’élança à suite. Elle le rattrapa en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et attrapa le bout d'écharpe qui flottait sur le sillon de Dimitri. Il continuèrent leur marche nocturne ainsi...


Dessin by @Ange